Aller au contenuAller au menuAller à la recherche

Evaluation des politiques publiques

Consultants Politiques publiques sociales

Choix du mode visuel
ITACA

postheadericon "La bientraitance au cœur du projet"


La volonté de la Croix-Rouge Française et de la direction de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes "Henry Dunant " de Bordeaux, était de mobiliser les équipes dans une dynamique de questionnement et de formation sur le thème de la bientraitance dans l'institution.

La finalité de notre intervention était opérationnelle ; elle a permis d'aider les professionnels de l'établissement à mieux comprendre les mécanismes de la maltraitance pour faire évoluer les pratiques professionnelles autour d'un projet collectif fondé sur la bientraitance des résidents.

 

Un contexte en évolution

Sur le plan législatif

L'amélioration de la qualité est le noyau de la réforme de la tarification et du financement des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. (loi n° 97-60 du 24 janvier 1997 et arrêté du 26 avril 99).
La loi 2002-2, qui renforce les droits des usagers, va durablement organiser le fonctionnement des services et structures. Cette loi constitue une étape significative de cette évolution puisqu'un certain nombre de procédures découlant de cette volonté seront désormais inscrites dans le fonctionnement légal des structures.
La prise de conscience de la maltraitance envers les personnes âgées et les personnes vulnérables est un phénomène émergent ; mais cette notion commence à se répandre dans les milieux institutionnels et dans le public.

... Et sur le plan « culturel »

L'instauration de nouveaux rapports entre professionnels et « usagers » de l'action sociale et médico-sociale, s'inscrit dans une évolution sociétale au long terme. On peut le relier à la volonté contemporaine d'augmenter le poids et les garanties de l'individu face à des institutions dont on n'accepte plus la toute puissance.
En rester au texte de la loi, en faire découler directement le fonctionnement institutionnel risque de s'avérer insuffisant pour entraîner un changement réel dans les pratiques, voire de constituer une impasse pour les structures qui souhaitent approfondir leur réflexion sur cette place des usagers dans l'action. Car une logique uniquement procédurale risque d'assécher tout ce que l'expérience d'une relation revisitée avec les usagers pourrait apporter à l'évolution des structures. Notamment, dans le secteur médico-social, tout le monde comprend bien qu'il ne suffit pas de créer une réunion collective avec les usagers pour faire évoluer des rapports institués, ni d'informer formellement les usagers de certains de leurs droits pour que ceux-ci les exercent réellement. Mais il existe bien d'autres conditions à penser, à inventer pour faire réellement avancer la question.

 

Un positionnement institutionnel et managérial

Ces évolutions et questionnements sont au cœur des préoccupations de la Croix Rouge Française qui gère un grand nombre d'établissements prenant en charge des personnes vulnérables pour lesquelles il est plus particulièrement nécessaire d'être attentif afin de prévenir les risques de maltraitance. La volonté de la Croix-Rouge est, outre la prévention du risque, celle de promouvoir la bientraitance comme modalité partagée et pragmatique dans le fonctionnement de ses structures et dans les pratiques de ses professionnels. Pour réaliser ce projet, elle a envisagé un travail expérimental dans un établissement d'accueil pour personnes âgées dépendantes de Bordeaux et, par la suite, sa généralisation à d'autres établissements sociaux et médico-sociaux.

La direction de la structure bordelaise a, quant à elle, fait le constat d'un fonctionnement qui reposait sur une conception du résident considéré plus comme « objet de soin » que comme « sujet de droit ». Elle a souhaité engager une démarche afin de faire évoluer l'organisation, le fonctionnement et les pratiques de l'établissement pour mieux être au service de l'usager.

 

La formation-action, un levier pertinent

Parce que le défaut de bientraitance réside aussi dans des petits gestes ou des attitudes dénuées de mauvaises intentions, il est nécessaire de sensibiliser les équipes à cette thématique pour faire progresser respect et dignité de la personne accueillie. Dans le cadre d'un module de formation-action, nous nous sommes attachés, avec l'ensemble du personnel de la structure, à :

  • comprendre collectivement les mécanismes qui favorisent la ma ltraitance,
  • se mettre d'accord sur une définition de la maltraitance quotidienne et ordinaire (défaut de bientraitance) ,
  • définir les conditions qui favorisent la bientraitance : l'évolution des pratiques professionnelles, l'organisation du travail dans la structure, la participation des résidents, la participation des familles, etc.

Cette formation action reposait sur quelques principes. Tout d'abord, celui de la participation active du personnel ; c'est à partir de leurs pratiques que nous avons travaillé pour verbaliser les questions et les difficultés rencontrées. Cette première étape est importante dans la prise de conscience et l'ensemble du personnel y a participé. La formation, pour être efficace, doit s'inscrire dans une dynamique d'évolution ; un deuxième temps a été organisé, avec un groupe de travail plus restreint, afin de formaliser des outils qui favorisent l'évolution des pratiques (axes d'amélioration).

 

Engagement des professionnels et participation des résidents

Chaque groupe a travaillé sur le constat de ce qui, dans la pratique quotidienne, est considéré comme « maltraitant » et de ce qui est considéré comme bientraitant, mais sous deux angles complémentaires : un groupe sous l'angle des postures professionnelles, et l'autre sous l'angle de l'organisation. Le constat a été posé collectivement et a été enrichi par le questionnaire qui a permis aux résidents et aux familles de s'exprimer de manière « formelle » sur le fonctionnement de la structure. Nous avons aussi cherché à mieux identifier les facteurs principaux qui, isolés ou combinés, expliquent les pratiques qui paraissent les plus insatisfaisantes.

Les deux derniers jours de formation ont permis d'élaborer les pistes et les outils d'amélioration. Le directeur a été associé à ce travail.
Avec ce groupe, trois axes de progrès ont été retenus dans un plan d'action :

  • Informer, communiquer (par exemple, sont prévues : une formation à la communication, la réalisation du livret d'accueil, etc.)
  • Faire évoluer les pratiques professionnelles (par ex., ont été définies les modalités permettant de partager les compétences entre collègues, ou celles concernant l'accueil des nouveaux salariés)
  • Individualiser les réponses aux personnes (par exemple, expérimenter la mise en place de réfèrent pour les résidents, favoriser et prendre en compte l'expression des résidents et de leur famille, etc.)

Pour chacun de ces axes, une ou plusieurs actions ont été déclinées. Des référents se sont portés volontaires pour être les garants de la réalisation et une planification a été fixée.


Ensuite des engagements ont été définis, résultante d'un accord collectif dans lequel chacun se sent impliqué, pour que l'engagement pris soit tenu. Ces engagements sont un levier pour que la bientraitance soit à la fois une implication de chaque professionnel et de l'établissement.

  1. Concilier et équilibrer la dimension sociale et la dimension médicale pour chaque résident (prendre en compte le soin, les loisirs, les relations intérieures et extérieures, etc.)
  2. Être attentif aux demandes et aux besoins des résidents (se référer aux besoins fondamentaux)
  3. Négocier avec la personne afin de chercher son adhésion, et/ou celle de son environnement, aux décisions qui la concernent
  4. Rendre possible, pour chaque résident : pouvoir penser, décider, choisir et l'exprimer. C'est cela l'autonomie, même quand on est dépendant, et c'est le contraire de l'hétéronomie
  5. Être vigilant à développer une attitude d'accompagnement et à ne pas être dans une attitude directive et infantilisante
  6. Faire progresser la qualité hôtelière du cadre de vie : confort des espaces privés et collectifs, repas, hygiène, etc.
  7. Améliorer la qualité de vie : socialisation, animation, ambiance, etc.
  8. Mieux communiquer avec les familles et les résidents sur notre travail et les faire participer à la vie de l'établissement dans une volonté de partenariat.
  9. Développer la formation pour faire progresser la compétence individuelle et collective.
  10. Améliorer la coordination et le travail d'équipe pour qu'il soit plus complémentaire et plus satisfaisant

 

Enfin, une démarche d'évaluation, corollaire accompagnant le changement, a été envisagée, avec un support qui, à partir des engagements pris, questionne chaque professionnel sur l'avis qu'il a des progrès réalisés collectivement ; il sera intéressant également de solliciter à nouveau l'avis des résidents et des familles.

Une phrase du directeur résume assez bien la démarche : « la maltraitance est un constat, la bientraitance est un projet ».

Antonella Relli
Avril 2005

PDF Téléchargez l'article "La bientraitance au coeur du projet"